mercredi 22 août 2007

Le Génie, le Sombreur et le Philosophe

Ce titre pourrait être celui d’un remake du film de Sergio Leone Le Bon, la Brute et le Truand (1966). Pourtant, si Tuco (le Truand) échappe à la mort régulièrement grâce à l’intervention programmée de Blondin (le Bon) qui sectionne, d’une balle de winchester, la corde destinée à le pendre pour ensuite s’enfuir et se partager la prime que le Bon a perçu peu avant pour avoir donné à la justice son acolyte le Truand, Wertheimer (le Sombreur) se pendra bel et bien, à l’âge de cinquante et un ans, à un arbre se trouvant devant la maison de sa sœur, dans la région de Coire. Ce suicide, nous l’apprenons par le narrateur (le Philosophe) du livre de Thomas Bernhard Le naufragé qui se rend à l’enterrement de son ami et qui se remémore leur rencontre déterminante en 1953 avec Glenn Gould (le Génie) qui fut “d’emblée figure de génie triomphant au point de détourner brutalement et définitivement les deux autres de leur carrière de pianiste virtuose” (Kreiss, 1986). C’est en effet après avoir entendu Glenn Gould jouer les Variations Goldberg lorsque les trois jeunes pianistes répétaient ensemble, avec acharnement, durant la période où ils suivaient un cours d’Horowitz au Mozarteum de Salzbourg que Wertheimer et le narrateur ont pris conscience qu’ils ne pourraient jamais atteindre le niveau de jeu de “la célébrité mondiale” (Bernhard, 1983). Mais si le Philosophe, “après s’être séparé de son Steinway, se mue alors délibérément en un « artiste de la représentation du monde » (Weltanschauungskünstler) tout entier voué à la rédaction toujours recommencée d’un interminable essai sur Glenn Gould, son ami Wertheimer s’engage sur la voie fatale du vaincu, du Sombreur, comme Glenn Gould en personne l’a plaisamment mais fort exactement surnommé aussitôt après avoir fait sa connaissance”1(Kreiss, 1986).
Hormis le fait d’avoir en commun une pratique pianistique, les protagonistes de ce livre ont tous les trois contracté une maladie pulmonaire. Si, en réalité, Glenn Gould n’a jamais été malade des poumons de manière incurable, Thomas Bernard lui fût atteint enfant de la tuberculose par contagion d’une pleurésie ce qui lui valu d’avoir un souffle court pour le restant de sa vie. L’auteur autrichien tord régulièrement la réalité dans son ouvrage en y injectant des éléments erronés sur la biographie de Glenn Gould. Comme le mentionne Kevin Bazzana (?), le musicien est mort à l’âge de 50 ans et non à celui de 51 ans (précisons que c’est Thomas Bernhard qui avait 51 ans à la mort du virtuose canadien). Outre cela, selon le narrateur, Glenn Gould interprète les Variations Goldberg au Festival de Salzbourg en 1955 alors qu’il a joué dans cette ville le 10 août 1958 au Festspielhaus (le Concerto en ré mineur de Bach avec le Concertgebouw d'Amsterdam dirigé par Dimitri Mitropoulos) et le 25 août 1959 (un récital Sweelinck – Schoenberg – Mozart – Bach, dont les Variations Goldberg)2. Vladimir Horowitz n’a pratiquement jamais enseigné et il ne donna plus de concert de 1935 à 1939, puis de mars 1953 à mai 19653. On notera qu’il revint sur scène un an après que Glenn Gould s’en fut retiré définitivement car comme on le sait, il stoppa net sa carrière de concertiste en 1964 pour se consacrer uniquement à des enregistrements de disques, d’émissions de radio et de télévision4 (c’est un élément de la biographie de l’interprète que Thomas Bernhard a gardé). D’autre part, à l’inverse de ce que prétend le Philosophe5, Glenn Gould a passé une grande partie de son temps à écrire, il disait du reste : “Je ne suis pas un pianiste, mais un écrivain, un compositeur et un homme de communication qui joue du piano à ses moments perdus”6. Il prétendait même qu’“il ne jouait pas de piano ; presque jamais. Il le disait et il ne mentait pas”, selon Michel Schneider (1988, p.37) ; et “avait confié à Bruno Monsaingeon7 qu’il arrêterait la musique complètement en 1985 et qu’alors il ne ferait plus qu’écrire”. Glenn Gould écrivait quotidiennement. “Il écrivait des pages et des pages. Des dizaines de milliers de pages où l’on retrouve des considérations médicales, des fragments de récits, des sortes de fictions” (Schneider, p.1988, p.37). Il reste à ce jour un grand nombre d’écrits produits par Glenn Gould qui n’ont pas été publiés et notamment un journal qu’il tint durant une crise d’hypocondrie de presque un an8. Par ailleurs, bien qu’il haïssait les villes9, il a toujours vécu entre New York et Toronto (où il y est mort en 1982 d'un accident vasculaire cérébral dans un appartement) et ne s’est pas exilé dans une maison-studio en forêt tout en affirmant que “New York est la seule ville au monde où l’homme d’esprit respire librement dès qu’il y pose le pied” (Bernhard, 1983, p. 25). Nous pourrions trouver encore un bon nombre de ces petits décalages qui permettent à Thomas Bernhard de brouiller les pistes entre la réalité et la fiction. En outre, en y regardant de plus près, on remarque qu’une partie des éléments biographiques du livre qui sont attribués à Glenn Gould appartiennent à la vie de Thomas Bernhard et que d’autres attribués à Wertheimer appartiennent à la vraie biographie de Glenn Gould et que l’écrivain les articule et les redistribue à sa guise, comme des cartes, au sein de cette triangulation. Par exemple, c’est Wertheimer qui “a écrit sans trêve ni repos pendant des années, des dizaines d’années” (p.45) et non pas Glenn Gould comme on l’a souligné. Ce dernier n’a jamais fréquenté les cours du Mozarteum à Salzbourg alors que Thomas Bernard y a étudié de 1952 à 1956 et en est diplômé. Pour finir, si le Génie s’est retranché “dans sa cage en Amérique” et que le Sombreur “dans sa cage en Haute-Autriche”(p.47), Thomas Bernhard s’est aussi retiré en 1965 (et, pour rappel, une année après que Glenn Gould ait abandonné sa carrière de concertiste et par conséquent la même année à laquelle Vladimir Horowitz a repris la sienne) dans une ferme de Haute-Autriche, où il est mort en 1989 d’une crise cardiaque, de la même manière que son Glenn Gould.
Nous pouvons donc considérer que Thomas Bernhard a manipulé la vie et le personnage de Glenn Gould afin de l’adapter à sa biographie. Comme le précise Kevin Bazzana (?), “le narrateur, Wertheimer et Gould incarnent diverses facettes de la personnalité de Bernhard”. À vrai dire, Thomas Bernhard ne brouille pas les pistes mais les multiples car au fond, ce partage des biographies lui donne les moyens d’opérer une dissection sur lui-même et la société10. Par l’intermédiaire du Philosophe, du Sombreur et du Génie l’auteur crée une trame qui lui permet d’interroger et de critiquer par différentes approches l’aliénation de l’individu occidental par les institutions et les conditions sociales (économiques, artistiques, politiques et religieuses) dans lesquelles il vit. L’écrivain mènera son analyse jusqu’au rapport de contamination, d’assujettissement, qu’ont les personnages entre eux. Dès lors, je pense que cet ouvrage met en lumière la conscience extrême qu’ont ces trois figures – et par ce biais Thomas Bernhard – de leur étouffement engendré par le processus par lequel l’être humain est rendu comme étranger à lui-même lorsqu’il évolue en société ou pour reprendre une phrase interrogative de Roland Barthes11, “à quelle distance dois-je me tenir des autres pour construire avec eux une sociabilité sans aliénation ?” Mais, y a-t-il une distance viable ? Semble demander Thomas Bernhard. Chacun des personnages apporte une tentative de réponse différente et qui ne va pas sans son lot de paradoxes. J’irais jusqu’à dire que si autant Thomas Bernhard que Glenn Gould se caractérisent par leurs paradoxes, l’écrivain ne fera rien pour dénouer leurs propres contradictions dans ce récit et ne fera qu'entrelacer plus encore le labyrinthe. Le Sombreur concrétisera cette métaphore de l’asphyxie en se pendant, ce qui fera dire au narrateur en guise d’introduction que se fut “un suicide mûrement réfléchi, pensai-je, nullement un acte spontané de désespoir” (p. 9). Si sa rencontre avec le Génie fut ravageuse et le condamna à ne pas poursuivre sa carrière de virtuose parce qu’il avait trouvé en Glenn Gould un maître insurmontable, sa mise en abîme fut largement lestée par la relation qu’il entretenait avec sa famille. C’est pour s’émanciper d’elle et plus particulièrement de son père qu’il étudia l’art et donc la musique, “uniquement pour [lui] damer le pion” (p.28). Lui qui considérait comme une catastrophe le fait que son fils étudie le piano. Celui-ci tout comme le narrateur (car le fait de se plonger dans une carrière artistique en vue de s’affranchir du carcan parental était une motivation commune aux trois musiciens) ont dû reconnaître qu’ils ont échoué dans leur carrière de virtuose, “échoué très tôt déjà et de la façon la plus honteuse”(p.29), comme aimait à le répéter le père du narrateur et par conséquent ils ont finalement donné raison à leur famille. Après cet échec, Wertheimer misera son salut sur les sciences humaines, mais il étouffera rapidement sous “l’énorme matériel dont nous disposons dans tous les domaines” (p.76) ce qui le conduira à penser que vouloir “mettre au monde un produit de l’esprit”(p.77) est une tâche tout bonnement impossible, “c’est de la folie !” (p.77) et que les grands penseurs sont condamnés à être “enfermés dans nos bibliothèques d’où ils nous regardent fixement”(p.78). Wertheimer le Sombreur finira, peu avant de se pendre, par brûler “des centaines et des milliers de papiers” (p.187), tous ses écrits.
Le Génie optera pour l’exil afin d’être le moins possible confronté à ses congénères. Lui qui “parmi les pianistes virtuoses célèbres, il était le seul à exécrer son public, le seul aussi à s’être effectivement et définitivement retiré loin de ce public exécré. Il n’en avait pas besoin. Il s’acheta la maison dans le bois et s’installa dans cette maison et se perfectionna”(p.31). Là-bas, Glenn Gould poussera son jeu à l’extrême et sera “rapidement annihilé par son obsession de l’art, son radicalisme pianistique” (p.11). Il avancera même que :

L’interprète au piano (il ne disait jamais pianiste !) est celui qui veut être piano, et je me dis d’ailleurs chaque jour, au réveil, que je veux être le Steinway, c’est le Steinway lui-même que je veux être […] L’idéal serait que je sois Steinway, je pourrais me passer de Glenn Gould […] en étant Steinway, je pourrais rendre Glenn Gould superflu. Mais il n’y a pas à ce jour un seul interprète au piano qui soit parvenu à se rendre superflu en étant Steinway, C’est Glenn qui parle. Me réveiller un jour et être Steinway et Glenn en un seul, […] Glenn Steinway, Steinway Glenn… (pp.94-95).

Disparaître à tout prix, quitte à ne même plus s’incarner dans un corps mais n’être plus qu’une “machine à faire de l’art”(p.105), Peter Szendy (2002, p.16) aurait ajouté qu’“il n’y aura(it) Glenn Steinway qu’au moment où Glenn, devenu « superflu », se sera(it) définitivement dissout dans un Steinway jouant seul”.
Je ne peux m’empêcher ici de revenir au vrai Glenn Gould et sur le rapport qu’il entretenait avec son corps. Michel Schneider (1988, p.87) nous rappelle que “Gould avait de nombreuses obsessions concernant son corps et les diverses maladies qui pouvaient l’accabler” et dans son livre, il relate un bon nombre d’anecdotes autour de ses obsessions d’hypocondriaque. Il donnera à ces dernières une légitimité en allant dans le sens de “Glenn Steinway” :

Pour les pianistes, le piano n’est pas un instrument dont se servirait leur corps, il est leur corps, et peut-être certains ont-ils besoin de celui-là pour en avoir un. Dès lors, quoi d’étonnant à ce que ce corps soit l’objet d’une attention détaillée, d’un inlassable questionnement concernant ses faiblesses et ses limites ? […] Regardez-le [Glenn Gould], penché, rabattu sur son clavier, comme s’il voulait qu’il n’y ait plus de piano entre lui et la musique et chercherait à s’abolir dans le piano, à se confondre. (1988, p.91 et p.96)

Si Glenn Gould n’a pas réussi à se dissoudre dans son piano, la posture qu’il prenait pour jouer était telle, que son menton touchait presque le clavier. On connaît sa fameuse chaise pliable12 qu’il emportait partout et dont il avait fait scier les pieds (ce serait son père qui l’aurait customisée) pour être assis plus bas (après modification son placet était à 35 cm du sol alors qu’un tabouret standard pour pianiste fait environ 45 cm à 50 cm de hauteur). Il jouait donc le dos voûté et recroquevillé, mais se tenait en contre parti plus près de l’instrument. Lui qui tenait temps à disparaître physiquement, sa posture est devenue un mythe (cette notion du devenir a été développée de manière plus détaillée dans le texte suivant : Glenn Steinway – corps et âme. Sur le devenir). En outre, Glenn Gould portait une grande quantité de couches d’habits non seulement pour se protéger du froid qu’il avait en horreur mais aussi pour se protéger des contacts physiques avec autrui, comme une armure13. Il n’a serré qu’à de très rares exceptions la main de ses amis proches. “[…] Il pût jaillir de son fauteuil par peur d’être approché par un technicien passant à un mètre, comme si le corps de l’autre ne pouvait lui être que blessure ou infection […]” (Schneider, 1988, p.92). Toutefois, il me semble que malgré la surprotection de son corps, Glenn Gould souhaitait profondément lui échapper, sans soustraire dans l’idée – platonicienne – d’aboutir à l’exécution d’une pure œuvre en passant par le moins de médiation possible14. L’interprète déclarait que :

Ce n’est pas avec les doigts, mais avec le cerveau qu’on joue du piano et j’ai besoin d’avoir le sentiment que ce ne sont pas mes doigts qui jouent, que ceux-ci ne sont rien d’autre que de simples extensions indépendantes qui se trouvent être en contact avec moi à un instant précis. Il me faut trouver un moyen de me distancer de moi-même tout en étant complètement engagé dans ce que je fais.15

Michel Schneider (1988) dira à ce propos que :

C’est dans la distance du sensible (non seulement pour Gould se mettre à l’écart de son public, mais demeurer, au piano, loin du piano, tout en étant le plus près possible physiquement), que l’acte mentale construit son objet à la place de l’objet réel. (p.29)

À défaut d’avoir la plasticité d’un Barbapapa16 et de pouvoir se transformer à volonté en la prothèse qu’il désire être – ici le piano, Glenn Gould a opté pour une autre technique, l’enregistrement. Celui-ci lui permettait de travailler dans l’après-coup mais aussi de se multiplier en effectuant le nombre de prises qu’il souhaitait pour pouvoir ensuite les mixer et réaliser une re-composition en dehors du moment où le musicien avait une interaction physique avec son piano. Ce fut sans doute un moyen pour Glenn Gould d’augmenter la distance avec son instrument pour se rapprocher d’un jeu qu’il voulait mental, intellectualisé. J’aime à voir dans cette manière de procéder un lien avec la façon dont Thomas Bernhard découpe, séquence la biographie de Glenn Gould et la sienne pour la re-composer et la re-distribuer aux trois personnages de son livre pour mieux les examiner.
Il y a du Monsieur Teste dans Le naufragé de Thomas Bernhard17 comme il y a aussi du Monsieur Teste dans le Glenn Gould original. Enrique Vila-Matas (2000) nous rappelle, dans son livre Bartleby et compagnie, que l’alter ego de Paul Valéry “a non seulement renoncé à écrire mais, de surcroît, jeté sa bibliothèque par la fenêtre” (p.28) et il souligne plus loin que “ Monsieur Teste n’était pas philosophe ni rien de tout cela. Il n’était pas même littérateur. Et grâce à cela, il pensait beaucoup. Plus on écrit, moins on pense” (p.119). Tout comme Monsieur Teste, le Génie n’écrit pas et le Philosophe renoncera au piano et sera dans l’impossibilité d’écrire son essai sur Glenn Gould18. Le narrateur est le seul survivant des trois, le seul en fin de compte qui a renoncé radicalement au piano et à vivre dans ses appartements en Autriche qu’il avait reçu en héritage. Il a “tout balancé” pour se retirer rue Calle del Prado à Madrid et devenir un “artiste de la représentation du monde ” (p.60).

Il n’est pas indispensable, après tout, que nous soyons toujours en train d’étudier quelque chose […], penser nous suffit, penser uniquement, simplement laisser se dérouler la pensée. S’en remettre à sa représentation du monde, s’abandonner simplement à cette représentation du monde, mais c’est le plus difficile… (p.60)

Toutefois, le Philosophe ne renoncera pas à l’écriture, en revanche il ne terminera pas son essai sur Glenn Gould et préférera le recommencer inlassablement comme si cette répétition paradoxale était l’unique moyen de ne pas disparaître et d’éviter à tout prix de n’être qu’une seule piste, une seule voie/x, celle de l’écrivain qui aurait écrit un essai sur le Génie parce qu'il fut anéanti par celui-ci faute de n’avoir pas su le faire réapparaître.

“… le poumon ne fait pas le génie, pensais-je…”19


1. C’est aussi Glenn Gould qui attribue au narrateur le surnom de Philosophe et c’est celui-ci qui qualifie Glenn Gould de génie.
2. Cf. Kevin Bazzana, The Loser : compte rendu, (?), (ce texte a été trouvé à l’adresse internet suivante :
http://www.collectionscanada.ca/glenngould/028010-503.5.7-f.html
3. Cf. Michel Schneider, Glenn Gould. Piano solo, Paris : Gallimard, 1988, p.249
4. Ibid. p. 13
5. “Glenn Gould n’a rien couché sur le papier” (Bernard, 1983, p.45)
6. Glenn Gould cité par Michel Schneider, Glenn Gould. Piano solo, Paris : Gallimard, 1988, p.80
7. Bruno Monsaingeon est un cinéaste et violoniste. Il a réalisé et produit des documentaires dédiés à des grands interprètes de musique classique et notamment L’Alchimiste – Récital (DVD, EMI) sur Glenn Gould
8. Michel Schneider, Ibid. p. 265
9. Ibid. p. 69
10. Thomas Bernhard donne régulièrement ce rôle au narrateur de ses livres. Dans Des arbres à abattre (1984), celui-ci se décrit en ces mots : “Je suis l’observateur, l’ignoble individu qui s’est confortablement installé dans le fauteuil à oreilles et s’adonne là, profitant de la pénombre de l’antichambre, à son jeu dégoûtant qui consiste plus ou moins à disséquer, comme on dit, les invités des Auersberger. Ils m’en avaient toujours voulu de les avoir toujours disséqués en toute occasion, effectivement sans le moindre scrupule, mais toujours avec une circonstance atténuante ; je me disséquais moi-même encore bien davantage, ne m’épargnais jamais, me désassemblais moi-même en toute occasion en tous mes éléments constitutifs…”(p.63)
11. Cf. Roland Barthes, Comment vivre ensemble – Cours et séminaire au Collège de France (1976-1977), Paris : Seuil, 2002
12. On peut même acheter des répliques de cette chaise fameuse sur internet : http://www.glenngould-chair.com/francese/accueil.htm
13. Je ne peux m’empêcher ici de penser au Predator (le personnage de science-fiction de Jim et John Thomas) qui est muni à la fois d’une armure et qui est aussi capable de se rendre invisible
14. Cf. Elie During, Logiques de l’exécution : Cage/Gould, Article paru dans Critique, N°639-640, Dossier « Musique(s). Pour une généalogie du contemporain », août-septembre 2000.
15. Glenn Gould cité par Michel Schneider, Glenn Gould. Piano solo, Paris : Gallimard, 1988, p.125 et 128
16, Rappelons que Barbalala qui est la musicienne de la famille se transforme à volonté en l’instrument qu’elle désire jouer. Parfois ses frères et sœurs l’accompagnent et deviennent aussi le propre instrument.
17. Thomas Bernhard fait d’ailleurs directement référence au livre de Paul Valery dans un autre de ses ouvrages, Corrections (1975). En relisant pour nous les écrits de Roithamer un biologiste qui vient de se pendre à un arbre de la forêt de Kobernauss, le narrateur qui est son exécuteur testamentaire nous apprend ceci-ci à son sujet : “J’avais rassemblé dans la mansarde Höller [lieu où il travaillait] tous les livres et écrits possibles, qui m’étaient accessibles et étaient utiles à mon esprit […] et dans ces livres et écrits importants j’avais arraché les pages les plus importantes pour moi et les avaient fixées au murs […] de Valéry j’avais fixé au mur presque toutes les pages de Monsieur Teste…” (p.340)
18. Il est d’ailleurs étonnant qu’Enrique Vila-Matas n’est pas fait figurer Le naufragé ou mentionné l’œuvre de Thomas Bernhard dans son ouvrage Bartleby et compagnie qui traite des écrivains ayant renoncé à écrire et qui a pour dessein de les rassembler.
19. Hélène Cixous, Manhattan, éditions Galilée, 2002, p. 93 cité par Jacques Derrida In Genèses, généalogies, genres et le génie. Les secrets de l’archive. Editions Galilée, 2003, p. 81.

Références bibliographiques :

Barthes, R. (2002). Comment vivre ensemble – Cours et séminaire au Collège de France (1976-1977). Paris : Seuil IMEC/traces écrites
Bernhard, T. (1987). Des arbres à abattre (B. Kreiss, trad.). Paris : Gallimard/ Folio (Original publié 1984)
Bernhard, T. (1986). Le naufragé (B. Kreiss, trad.). Paris : Gallimard/ Folio (Original publié 1983)
Bernhard, T. (1978). Corrections (A. Kohn, trad.). Paris : Gallimard (Original publié 1975)
Schneider, M. (1988). Glenn Gould, piano solo. Paris : Gallimard/ Folio
Szendy, P. (2002). Membres fantômes. Paris : Editions de Minuit
Vila-Matas, E. (2002). Bartleby & compagny (E. Beaumatin, trad.). Paris : 10/18 (Original publié 2000)

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